Tuesday, October 15, 2013

Economie francaise: les reformes, c'est maintenant!

(Contribution à l'ouvrage économique de Daniel Lacalle "Viaje a La Libertad Economica", éditions Deusto, novembre 2013)



La France fait partie de l’élite des nations les plus riches au monde. Pourtant depuis 30 ans notre pays ne cesse de perdre des places dans les classements internationaux, avec une tendance à l’accélération depuis une dizaine d’années. On ne peut se contenter de nier la fiabilité de tels indicateurs dont nous ne contrôlons pas les critères. Il faut bien l’admettre, notre pays perd du terrain. Les Français s’en rendent compte, eux qui sont devenus un des peuples les plus pessimistes au monde, avec un taux de confiance des ménages à son plus bas historique au premier semestre de cette année. Pourtant, bien que consciente de ses difficultés, la France semble paralysée. Il est vrai que nous avons bâti un des états-providence les plus protecteurs au monde qui nous donne une certaine illusion de sécurité et que nous craignons de perdre. Il est sans doute aussi plus facile pour nos politiciens de blâmer l’Euro et la mondialisation plutôt que d’avouer la nécessité de réformes profondes. Mais nous le voyons tous, la France souffre, avec sa croissance molle et un taux de chômage qui semble incompressible. Il devient urgent d’agir.

La lutte contre l’endettement devrait être notre première priorité.  Notre pays n’a plus enregistré de Budget excédentaire depuis … 1974. Cette dette publique accumulée sur les 40 dernières années atteindra un nouveau plus haut cette année avec 1.870 milliards d’euros, soit plus de 90% du PIB. Pourtant il y a encore à peine 5 ans le pays s’efforçait de respecter les 60% d’endettement maximal fixés dans le marbre du Traité de Maastricht. Et de façon inquiétante les perspectives d’inversion de la tendance sont faibles. Ainsi le déficit additionnel de la France pour l’année 2013 sera de l’ordre de 4% du PIB alors que les comptes de l’Allemagne seront à l’équilibre. Notons que les deux pays avaient des niveaux de déficits et de dettes publics équivalents il y a 10 ans. 

Il est vrai que les taux d’intérêt sont aux plus bas historiques et qu’il est donc tentant d’avoir recours à une dette si peu onéreuse. Mais l’exemple du Japon devrait nous convaincre de l’inefficacité d’une telle solution pour stimuler la croissance. Bien que le pays ait accumulé plus de 240% de dette, un taux quasiment insurmontable pour les générations futures, sa croissance reste anémique et sa production industrielle ne cesse de décliner. Seule la dévaluation de sa monnaie permet aujourd’hui au Japon de préserver son économie. Comme nous le savons il s’agit-là d’un outil non disponible pour les pays de la zone Euro.

La difficulté à laquelle nous avons à faire face en France pour réduire nos déficits tient principalement au poids de notre Administration. Nos 5,5 millions de fonctionnaires, 1,4 million de plus qu’en 1980, représentent 22% de la population active. Une telle proportion de 90 employés de l’Etat pour 1000 habitants est proche du double de celle de l’Allemagne. Encore faudrait-il rajouter en France les 2 millions d’employés des secteurs des services postaux, de l’éducation ou des transports qui ne bénéficient pas du statut de fonctionnaires mais sont rémunérés par l’Etat. Au total près d’un employé sur quatre travaille en France pour l’Etat. Et avec un poids de 57% du PIB, les dépenses publiques de la France détiennent le record de la zone Euro.

Notre classe politique est bien évidemment réticente à s’attaquer à cet obstacle. Le poids des syndicats y est pour quelque chose. Mais plus généralement les Français sont attachés à leurs services publics et fiers de leurs écoles, hôpitaux ou infrastructures de transport. Nicolas Sarkozy s’est rendu impopulaire en suggérant la réduction du nombre de fonctionnaires. Tandis que l’étonnante promesse du candidat Francois Hollande d’embaucher 60.000 enseignants supplémentaires aura probablement contribué à son élection en 2012. N’est-il pas révélateur que selon un sondage Ipsos, 73% des jeunes français aimeraient travailler dans la fonction publique! 

Devant cette impossibilité de diminuer le poids de cette Administration tentaculaire, les gouvernements successifs ont préféré avoir recours à l’impôt. Mais avec une charge fiscale équivalent à 45% du PIB, la France se situe déjà en tête des pays de l’OCDE (dont la moyenne est de 35%). Cette recette est donc pratiquement épuisée.

Il faut désormais se consacrer à l’amélioration de la compétitivité de notre économie. Celle-ci ne cesse de se détériorer depuis 10 ans.  Les Français, à peine contredits par leurs politiciens, y ont vu l’effet de la mise en place de l’Euro. Mais des pays comme l’Allemagne, les pays du nord de l’Europe ou même l’Espagne, s’en sortent mieux que nous en matière de compétitivité, pourtant avec cette même monnaie.

La balance commerciale de la France affiche un des déficits les plus élevés de la zone Euro (67 milliards en 2012) alors que l’Allemagne devrait publier cette année un surplus de plus de 200 milliards d’Euros. Pourtant les deux pays étaient dans une situation comparable au milieu des années 1990 et la France affichait encore un surplus confortable il y a 10 ans. Mais les exportations françaises ne représentent plus que 3% du commerce mondial contre 6% dans les années 1990. Tandis que l’Allemagne a multiplié par 10 en 10 ans ses exportations vers la Chine pour atteindre 80 milliards de dollars, la France se contentera de 20 milliards cette année.

L’investissement fait cruellement défaut dans notre pays et il faut l’encourager. La capacité industrielle de la France est la même qu’il y a 20 ans alors que celle de l’Allemagne a progressé de 40%. De surcroit, la France souffre de coûts du travail nettement supérieurs à ses concurrents, comme l’a souligné le rapport Gallois. Les entreprises françaises doivent supporter un poids de l’impôt de l’ordre de 65% de leurs profits, essentiellement à travers des charges sociales. Ce poids est de 47% en Allemagne et de 45% pour la moyenne européenne. Les coûts salariaux ont augmenté de 10% en France depuis 10 ans, ce qui compte tenu d’une baisse de 5% des prix industriels représente 15% de perte de productivité sur la période. C’est un handicap majeur dans le cadre d’une compétition internationale. Nous devons oser la modération des salaires ainsi que la baisse des charges pour nos entreprises. Le Royaume-Uni en a fait un axe principal de sa politique et déjà le pays montre des signes de reprise plus forte qu’en France.

Dix ans de décrochage par rapport à nos concurrents, c’est suffisamment peu pour que ce retard soit rattrapable. Mais encore faut-il le vouloir. Or aujourd’hui en France toute velléité d’aider l’entreprise reste un tabou. Les syndicats se battent pour préserver les emplois et les salaires. Mais trop peu sont ouverts aux améliorations structurelles de la compétitivité en concertation avec les dirigeants, comme on a pu le voir en Allemagne. Même l’opinion publique française a une image peu positive du monde de l’entreprise et de ses patrons. Ainsi nos gouvernements préfèrent juguler la marge de manœuvre des chefs d’entreprise plutôt que de les inciter à investir et prendre des risques. Comment pendant la  campagne électorale de 2012 des responsables politiques peuvent-ils encore suggérer d’interdire les licenciements de la part de sociétés qui réalisent des profits ? Cela fait preuve au mieux de beaucoup de mauvaise foi, au pire d’une méconnaissance totale du monde dans lequel nous vivons. La France reste un pays riche mais elle doit aujourd’hui faire face à une concurrence mondiale qui ne l’attend pas. Des pays comme l’Espagne, au bord de la faillite il y a peu, gagnent des parts de marche sur la scène mondiale à travers gains de productivité et développement des exportations. La France ne peut plus se permettre d’être autiste et immobile. Selon l’adage populaire, il faut toucher le fond pour mieux rebondir. Anticipons-le. Il est temps !