La France fait
partie de l’élite des nations les plus riches au monde. Pourtant depuis 30 ans
notre pays ne cesse de perdre des places dans les classements internationaux,
avec une tendance à l’accélération depuis une dizaine d’années. On ne peut se
contenter de nier la fiabilité de tels indicateurs dont nous ne contrôlons pas
les critères. Il faut bien l’admettre, notre pays perd du terrain. Les Français
s’en rendent compte, eux qui sont devenus un des peuples les plus pessimistes
au monde, avec un taux de confiance des ménages à son plus bas historique au
premier semestre de cette année. Pourtant, bien que consciente de ses
difficultés, la France semble paralysée. Il est vrai que nous avons bâti un des
états-providence les plus protecteurs au monde qui nous donne une certaine
illusion de sécurité et que nous craignons de perdre. Il est sans doute aussi
plus facile pour nos politiciens de blâmer l’Euro et la mondialisation plutôt
que d’avouer la nécessité de réformes profondes. Mais nous le voyons tous, la France
souffre, avec sa croissance molle et un taux de chômage qui semble
incompressible. Il devient urgent d’agir.
La lutte contre
l’endettement devrait être notre première priorité. Notre pays n’a plus enregistré de Budget
excédentaire depuis … 1974. Cette dette publique accumulée sur les 40 dernières
années atteindra un nouveau plus haut cette année avec 1.870 milliards d’euros,
soit plus de 90% du PIB. Pourtant il y a encore à peine 5 ans le pays
s’efforçait de respecter les 60% d’endettement maximal fixés dans le marbre du
Traité de Maastricht. Et de façon inquiétante les perspectives d’inversion de
la tendance sont faibles. Ainsi le déficit additionnel de la France pour
l’année 2013 sera de l’ordre de 4% du PIB alors que les comptes de l’Allemagne
seront à l’équilibre. Notons que les deux pays avaient des niveaux de déficits
et de dettes publics équivalents il y a 10 ans.
Il est vrai que
les taux d’intérêt sont aux plus bas historiques et qu’il est donc tentant
d’avoir recours à une dette si peu onéreuse. Mais l’exemple du Japon devrait
nous convaincre de l’inefficacité d’une telle solution pour stimuler la
croissance. Bien que le pays ait accumulé plus de 240% de dette, un taux
quasiment insurmontable pour les générations futures, sa croissance reste
anémique et sa production industrielle ne cesse de décliner. Seule la
dévaluation de sa monnaie permet aujourd’hui au Japon de préserver son économie.
Comme nous le savons il s’agit-là d’un outil non disponible pour les pays de la
zone Euro.
La difficulté à
laquelle nous avons à faire face en France pour réduire nos déficits tient principalement
au poids de notre Administration. Nos 5,5 millions de fonctionnaires, 1,4
million de plus qu’en 1980, représentent 22% de la population active. Une telle
proportion de 90 employés de l’Etat pour 1000 habitants est proche du double de
celle de l’Allemagne. Encore faudrait-il rajouter en France les 2 millions
d’employés des secteurs des services postaux, de l’éducation ou des transports
qui ne bénéficient pas du statut de fonctionnaires mais sont rémunérés par
l’Etat. Au total près d’un employé sur quatre travaille en France pour l’Etat.
Et avec un poids de 57% du PIB, les dépenses publiques de la France détiennent
le record de la zone Euro.
Notre classe
politique est bien évidemment réticente à s’attaquer à cet obstacle. Le poids
des syndicats y est pour quelque chose. Mais plus généralement les Français
sont attachés à leurs services publics et fiers de leurs écoles, hôpitaux ou
infrastructures de transport. Nicolas Sarkozy s’est rendu impopulaire en
suggérant la réduction du nombre de fonctionnaires. Tandis que l’étonnante
promesse du candidat Francois Hollande d’embaucher 60.000 enseignants
supplémentaires aura probablement contribué à son élection en 2012. N’est-il
pas révélateur que selon un sondage Ipsos, 73% des jeunes français aimeraient
travailler dans la fonction publique!
Devant cette
impossibilité de diminuer le poids de cette Administration tentaculaire, les
gouvernements successifs ont préféré avoir recours à l’impôt. Mais avec une
charge fiscale équivalent à 45% du PIB, la France se situe déjà en tête des
pays de l’OCDE (dont la moyenne est de 35%). Cette recette est donc
pratiquement épuisée.
Il faut désormais
se consacrer à l’amélioration de la compétitivité de notre économie. Celle-ci
ne cesse de se détériorer depuis 10 ans.
Les Français, à peine contredits par leurs politiciens, y ont vu l’effet
de la mise en place de l’Euro. Mais des pays comme l’Allemagne, les pays du
nord de l’Europe ou même l’Espagne, s’en sortent mieux que nous en matière de
compétitivité, pourtant avec cette même monnaie.
La balance
commerciale de la France affiche un des déficits les plus élevés de la zone
Euro (67 milliards en 2012) alors que l’Allemagne devrait publier cette année
un surplus de plus de 200 milliards d’Euros. Pourtant les deux pays étaient
dans une situation comparable au milieu des années 1990 et la France affichait
encore un surplus confortable il y a 10 ans. Mais les exportations françaises
ne représentent plus que 3% du commerce mondial contre 6% dans les années 1990.
Tandis que l’Allemagne a multiplié par 10 en 10 ans ses exportations vers la
Chine pour atteindre 80 milliards de dollars, la France se contentera de 20
milliards cette année.
L’investissement
fait cruellement défaut dans notre pays et il faut l’encourager. La capacité
industrielle de la France est la même qu’il y a 20 ans alors que celle de
l’Allemagne a progressé de 40%. De surcroit, la France souffre de coûts du travail nettement
supérieurs à ses concurrents, comme l’a souligné le rapport Gallois. Les
entreprises françaises doivent supporter un poids de l’impôt de l’ordre de 65%
de leurs profits, essentiellement à travers des charges sociales. Ce poids est
de 47% en Allemagne et de 45% pour la moyenne européenne. Les coûts salariaux ont
augmenté de 10% en France depuis 10 ans, ce qui compte tenu d’une baisse de 5%
des prix industriels représente 15% de perte de productivité sur la période.
C’est un handicap majeur dans le cadre d’une compétition internationale. Nous
devons oser la modération des salaires ainsi que la baisse des charges pour nos
entreprises. Le Royaume-Uni en a fait un axe principal de sa politique et déjà
le pays montre des signes de reprise plus forte qu’en France.
Dix ans de
décrochage par rapport à nos concurrents, c’est suffisamment peu pour que ce
retard soit rattrapable. Mais encore faut-il le vouloir. Or aujourd’hui en
France toute velléité d’aider l’entreprise reste un tabou. Les syndicats se
battent pour préserver les emplois et les salaires. Mais trop peu sont ouverts aux
améliorations structurelles de la compétitivité en concertation avec les
dirigeants, comme on a pu le voir en Allemagne. Même l’opinion publique
française a une image peu positive du monde de l’entreprise et de ses patrons.
Ainsi nos gouvernements préfèrent juguler la marge de manœuvre des chefs
d’entreprise plutôt que de les inciter à investir et prendre des risques.
Comment pendant la campagne électorale
de 2012 des responsables politiques peuvent-ils encore suggérer d’interdire les
licenciements de la part de sociétés qui réalisent des profits ? Cela fait
preuve au mieux de beaucoup de mauvaise foi, au pire d’une méconnaissance
totale du monde dans lequel nous vivons. La France reste un pays riche mais
elle doit aujourd’hui faire face à une concurrence mondiale qui ne l’attend
pas. Des pays comme l’Espagne, au bord de la faillite il y a peu, gagnent des
parts de marche sur la scène mondiale à travers gains de productivité et
développement des exportations. La France ne peut plus se permettre d’être
autiste et immobile. Selon l’adage populaire, il faut toucher le fond pour
mieux rebondir. Anticipons-le. Il est temps !